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désiré avoir mieux à offrir pour vous que le sacrifice d’une vie saturée d’angoisses, que le miracle de vos deux tendresses a seule empêchée d’être insupportable.

« Hâte-toi, mon Georges, hâte-toi, je crains que tu n’arrives trop tard.

« Marie-Joseph Caïn Marchenoir. »


LXX


« Comme il ne me reste plus que quelques instants à vivre, mon très cher ami, venez vous asseoir sur mon lit, posez ma tête, cette tête qui vous est si chère, sur vos genoux, et mettez vos mains sur mes yeux. Je m’imagine que cette position m’épargnera une partie des peines que l’âme éprouve, lorsqu’elle sort de sa demeure. Quoique la mienne doive souffrir un double tourment, l’un en quittant ce corps qu’elle habite et l’autre en me séparant de vous, soyez persuadé qu’elle ne vous oubliera jamais, s’il reste encore quelque souvenir à ceux qui descendent chez les morts. »

Ainsi parlait à son fidèle Cantacuzène, l’empereur Andronic mourant.

Marchenoir, à son lit de mort, était obsédé de ce souvenir, en attendant son ami, dont l’arrivée venait de lui être annoncée par un télégramme.

Puisqu’il fallait considérer Véronique comme n’existant plus, Leverdier résumait pour lui, désormais, toutes les dilections de la terre. Il aurait voulu réellement, comme cet empereur de l’ex-