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croquant, car je n’eusse pas encore été assez ingrat pour faire un bon prince. — Beatius est dare quam accipere. Telle eût été, je crois, ma devise, et ce texte aurait fait ma majesté méprisable et mes pieds d’argile…

— Tu es, au moins, le roi de l’impertinence, indécrottable gueux, répartit l’autre, et tu aurais pu me priver de ta sacrée devise qui n’a rien à faire ici. On ne sait jamais qui donne ni qui reçoit, ajouta-t-il profondément. Voilà ce que je pourrais t’apprendre si tu ne le savais encore mieux que moi. Tu as sauvé ma peau dans un temps, je m’efforce, aujourd’hui, de sauver ton esprit, parce que ton esprit m’est nécessaire pour ne pas me casser le cou dans les chemins noirs où nous pataugeons per multam merdam, comme disait Luther. Qu’as-tu à répondre à ça ?

Les deux amis reprirent tant bien que mal un peu d’entrain et concertèrent de laisser croire à Véronique que Leverdier s’absentait pour une affaire de famille et reviendrait, sans doute, bientôt, — la vérité vraie pouvant occasionner une crise de désolation que ni l’un ni l’autre ne se sentait capable de supporter.

Leverdier partit donc le soir même, laissant à son compagnon, désormais solitaire, cette accablante impression qu’ils venaient de s’embrasser pour la dernière fois et qu’ils ne se reverraient plus !


LXVIII


La loi salique ne fut jamais écrite, parce que c’était la loi vitale, essentielle, de la monarchie fran-