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et de nous juger ; — comme si ce n’était pas assez de la rage d’avoir été vaincu et piétiné par un million d’hommes, et qu’il nous fallût encore avaler la suprême honte d’être opprimé par cette vieille Salope, sans esprit, ni cœur, ni sexe, ni conscience, plus pestilentielle, en sa personne, que les croupissants détritus de tout un peuple en putréfaction !

« S’il arrive enfin, le trois fois désirable hoquet du dégoût sauveur, il faudra se jeter sur les balais, sur les pelles, sur les chenets, sur les fouets et les fléaux, sur tout objet propre à l’extirpation d’un vénéneux malfaiteur, et rejeter par-dessus la frontière, — avec d’irrémédiables malédictions, — cette vomissure allemande, cette ordure de l’ennemi, cette ineffable monstruosité physiologique et morale, qu’un siècle de gloire ne nous absoudrait pas d’avoir supportée ! »


LXVII


Une misère plus noire que jamais s’abattit, alors, rue des Fourneaux et, pour que rien ne manquât aux affres d’agonie mortelle qui allaient commencer, Leverdier disparut brusquement de la vie de Marchenoir.

Cet être sublime, voyant l’imminence et l’énormité du péril, se détermina, sans avertir, à vendre le mobilier peu considérable et la collection de livres qu’il possédait et, — après avoir donné l’argent à son ami, — à s’en aller à la campagne au fond de la Bourgogne, chez une vieille tante qui le réclamait depuis des années.

Cette parente lui gardait une petite fortune dont