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sée d’une fière canaille aux dépens de cette imbécile France qui s’empressait de la recueillir.



« J’ai parlé de pertes au jeu. Une étude sur Albert Wolff ne serait pas complète si on oubliait de mentionner ce trait essentiel.

« Fort tranquille du côté des femmes, il se rattrape au tripot.

« Paris ne connaît pas de plus forcené joueur.

« Cette passion est telle qu’il fuit d’instinct tout cercle honorable, — s’il en existe, — et ne fréquente que d’infâmes tripots où il lui est plus aisé de la satisfaire.

« Détesté des autres joueurs, redouté des directeurs et prêteurs, à cause de sa formidable situation au Figaro, il règne en despote, là comme ailleurs, abhorré, mais inexpulsable.

« Profitant de la terreur qu’il inspire, il se fait ouvrir de démesurés crédits. Quand il a pris sa culotte, ainsi qu’il s’exprime, le prêteur est obligé, neuf fois sur dix, d’attendre qu’il ait regagné, pour rattraper son pauvre argent, sans aucun espoir de retour du même service, — Wolff ayant affiché son principe d’emprunter toujours et de ne prêter jamais.

« L’argent gagné, d’ailleurs, s’éloigne très promptement de nos rivages.

« Le bon Prussien envoie fidèlement son numéraire chez un banquier Berlinois, et s’empresse de brûler les reçus, — ou de faire croire qu’il les brûle, — pour se mettre hors d’état de retirer les sommes