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tuelle, en quelque lieu que ce soit, sollicite humblement une niche à chiens sous le gras évier de la cuisine où se condimente la littérature française.

« On pourrait croire que la France, éperdue de gratitude, ne sait plus de quel duvet de phénix renaissant capitonner le lit de la demi-douzaine d’enfants merveilleux qui lui font cette suprême gloire. On devrait supposer, au moins, qu’elle les comble de richesses et d’honneurs et qu’ensuite, elle se déclare tout à fait indigne de lécher la trace de leurs pas… Elle les fait simplement crever de misère dans l’obscurité.

« Elle n’a pas assez de mépris et d’avanies assez énormes pour les abreuver. Depuis Baudelaire jusqu’à Verlaine, toutes les abominations et toutes les ordures ont été versées en cataractes de déluge sur tous les fronts de lumière. Les journaux, pleins de terreur, se sont barricadés avec furie contre ces pestiférés d’idéal dont le contact épouvantait la muflerie contemporaine. Cette horreur est si grande et la répression qu’elle exige est si attentive, qu’on a pu voir d’infortunés imbéciles condamnés à périr de désespoir sur une mensongère inculpation de talent ou d’originalité.

« Mais cette guerre serait mal faite si elle se contentait d’être défensive. On a donc suscité des catins de lettres pour la supplantation du génie. Trois cents journaux vont en avant pour leur balayer le haut du pavé, d’une diligente nageoire, et le suffrage universel est leur dispensaire. Vieilles ou jeunes, croûtonnantes ou chauves, liquides ou pulvérulentes, il suffit que leur bêtise ou leur ignobilité soit irréprochable. On ira même jusqu’à leur