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Ce message inattendu produisit sur Marchenoir l’effet admirable de lui restituer aussitôt toute son énergie. Il y avait en ce Périgourdin un tel ressort, qu’on pouvait toujours s’attendre à quelque surprenante manifestation de sa force, au moment même où il paraissait le plus renversé sur lui-même et le plus irrémédiablement déconfit. Dans la même heure, il se releva de toutes ses poussières et prit une résolution formidable, qu’il commença, sur-le-champ, d’exécuter.

Puisque tous les journaux lui étaient fermés et que son livre futur était une opération financière très lointaine, d’un insuccès à peu près certain, il allait risquer cette somme qui lui tombait du ciel, dans une entreprise des plus hasardeuses, mais capable, après tout, — en supposant un sourire de la Fortune, — de rémunérer le téméraire. Car les ressources allaient lui manquer et cette angoisse trop connue s’ajoutait à toutes les autres.

Il décida de publier, à ses frais, un pamphlet périodique dont il serait l’unique rédacteur, qu’il remplirait de toutes les indignations de sa pensée et qu’il lancerait, chaque semaine, sur Paris, comme un tison. Qui sait ? Paris s’allumerait peut-être par quelque endroit.

Approximativement, il calcula qu’avec son argent seul, sans la balance d’aucune recette fructueuse, il pourrait tenir environ deux mois. Il faudrait vraiment que tous les démons s’en mêlassent pour que l’inouïe vocifération dont il méditait d’assaillir ses contemporains ne produisît aucun résultat. Une circonstance favorable, assurément, sortirait de l’ombre, jusqu’alors implacable, de sa destinée. Une