Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/355

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tout au moins, quelques scrofules honteuses, quelques bas ulcères dont la purulence cachée me sortirait jusque par les yeux… Sans hésiter, vous expliquez tout de moi par des facultés de saltimbanque et vous m’offrez un avenir de bouffon de la canaille. Voilà, je vous l’avoue, ce qui dépasse complètement mes capacités de résignation !

Pendant que parlait l’étrange rebelle, un murmure plus qu’hostile s’élevait autour de lui et montait jusqu’au grondement. Aussitôt qu’il eut fini, les aboiements éclatèrent. Il fallait qu’on en eût gros sur le cœur, et depuis longtemps. Un inconnu, proférant les mêmes impiétés, n’aurait obtenu que des interjections de rappel à l’ordre ou de silencieux et compatissants sourires, — car le monde de la plume est, en général, fort attentif aux pratiques extérieures de la plus urbaine indulgence, surtout en la présence des bêtes féroces.

Mais, ici, on avait affaire à l’ennemi commun, à celui dont personne ne pouvait être l’ami et qui ne pouvait être l’ami de personne. Marchenoir était un hérétique négateur du Saint Sacrement de la Crapule, au milieu d’un ripaillant concile de théologiens et de hauts prélats du maquerellage. Le vomissement sur les comédiens éclaboussait à peu près tous ces courtiers de luxure ou de vanité, qui prospéraient en exploitant les plus viles passions de leur temps. Puis, il fallait bien qu’on se vengeât de la surprise qu’on venait d’avoir et des applaudissements qu’on avait donnés, par l’effet d’un ascendant inexplicable.

Il y eut, alors, un concert de trépidations, un crépitement d’injures, une bourrasque de mauvais