Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/326

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’à lui d’être, cent ans encore, « le plus spirituel de nos chroniqueurs ».

Par malheur, il se doute un peu de son néant et cela l’enrage contre l’univers. Personne n’est absous de son impuissance. S’il avait un sou de talent au service de sa désespérée fureur de raté, nul n’échapperait au venin de ses abominables crocs, — à l’exception, peut-être, de quelques turfistes à poigne, accoutumés à rosser des bêtes plus nobles, mais fort capables, après le champagne, de déroger jusqu’à son calottable visage.

Probablement fatigué de se porter lui-même, il s’appuyait sur son digne confrère, Adolphe Busard, connu dans tous les théâtres sous le sobriquet significatif de Mimi-Vieux-Chien. Ce vieux chien a les allures et la physionomie d’un officier de cavalerie, supérieur en grade à Denizot, mais d’une arme plus lourde.

C’est un bonapartiste obséquieux et rêche, à physionomie quelque peu chinoise, plagiaire plein d’impudence, très puissant au Basile et baryton des plus influents. Une vieille pratique, s’il en fut, et du meilleur temps ! On assure que Napoléon III a payé plusieurs fois ses dettes. Hélas ! le pauvre sire aurait mieux fait de venir en aide à quelques nobles artistes dédaignés, qui l’eussent efficacement protégé de leur encre ou de leur sang contre la hideuse vermine qui le dévora.

Le sang de Busard, si cette matière coulante existe en lui, est un trésor dont il paraît singulièrement avare. Quant à son encre, il l’utilise exclusivement, à faire, en littérature, des travaux d’expéditionnaire. Son zèle de copiste est infatigable. Une de ses pré-