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fut le prodigieux substrat et qu’il est seul, depuis vingt ans, à ne pas comprendre.

La saleté physique de Rieupeyroux est célèbre. C’est un citoyen oléagineux et habité. Il ignore l’eau des fleuves et la virginale rosée des cieux. Il promène sous l’azur une fleur de crasse, immarcescible comme la pureté des anges. Ses cheveux, qu’il porte encore plus longs que Chaudesaigues, et qui flottent sur l’aile des vents, fécondent l’espace à la plus imperceptible nutation de son chef. On ne l’approche qu’en tremblant, et les voleurs, dont il doit avoir tant de crainte, y regarderaient à beaucoup de fois avant de le détrousser.

Un autre trio, curieux et illustre, était celui formé par Hamilcar Lécuyer, Andoche Sylvain et Gilles de Vaudoré, trois poètes romanciers.

Marchenoir savait par cœur son Lécuyer, qu’il avait, une fois, sanglé de la plus mémorable sorte. Ils s’étaient rencontres, il y avait nombre d’années, chez Dulaurier, très humble alors, dont la petite chambre était un cénacle.

Cet africain besogneux et hâbleur, mais rongé d’ambition, et qui méditait les rôles classiques de Catilina ou de Coriolan, aurait vendu sa mère à la criée, au carreau des Halles, pour attraper un peu de publicité. Cymbale sensuelle et ne vibrant qu’aux pulsations venues d’en bas, il était admirablement pourvu de tous les tréteaux intérieurs, par lesquels une âme élue de saltimbanque prélude, d’abord, au vacarme fracassant de la popularité.

Le moment venu, la cuve s’était débondée. Il en était sorti, comme d’un abcès monstrueux, des flots de sanie écarlate, des purulences recuites et granu-