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— Monsieur Marchenoir, répondit le Proxénète, — dilatant assez son sourire pour qu’une rangée de bubes syphilitiques devînt visible au dedans de la lèvre inférieure, — je n’ai pas de peine à deviner que vous m’apportez un article de début d’une rare véhémence. Donnez-le-moi, j’y jetterai simplement les yeux et vous pourrez, à l’instant, me juger sur mes actes.

Marchenoir tendit le manuscrit.

La Sédition de l’Excrément !… Titre superbe !… Léo Taxil… la pornographie murale… très bien ! il s’assit et, prenant une plume, écrivit en syllabisant à haute voix :

« Nous sommes heureux d’offrir l’hospitalité de nos colonnes à l’article suivant de notre vaillant confrère Caïn Marchenoir, l’un des plus sombres coryphées de la littérature contemporaine, qu’un deuil récent avait éloigné du champ de bataille et qu’un scandale monstrueux y ramène aujourd’hui, plus formidable que jamais. Nos lecteurs applaudiront certainement à cette voix énergique s’élevant tout à coup au milieu du lâche silence de l’opinion. Ils accepteront les audaces de forme d’un satiriste génial, dont les indignations généreuses s’expriment en frémissant, et qui pense que toute arme est bonne pour la répression des industriels fangeux qui ont entrepris de souiller nos murs. Le Basile, traditionnellement attentif à détourner, autant que possible, les effets immoraux de ces attentats, met volontiers sa publicité au service de l’écrivain le plus capable d’en montrer les dangers. Caïn Marchenoir est surtout une conscience. Ses nombreux ennemis ont pu l’accuser d’être passionné jusqu’à l’intolérance, mais