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cesserait enfin d’être regardé comme un irrémissible forfait, et que le nouveau prince allait introduire quelque adoucissement à la loi pénale édictée par le turgide Magnus, qui condamnait au lent supplice de l’inanition les blasphémateurs de la Médiocrité.

Quels que pussent être les probables cloaques de son arrière-pensée, on ne pouvait douter que le sentiment d’une réelle estime littéraire eût été pour beaucoup dans son désir de réintégrer Marchenoir. Cela paraissait d’autant plus évident qu’il avait deux ou trois fois senti, pour son propre compte, la morsure de ce pamphlétaire que tous ses instincts de voluptueux et d’empoisonneur auraient dû lui faire abhorrer.

Deux jours après le dîner de Vaugirard, Marchenoir porta lui-même son article au directeur du Basile. Beauvivier le reçut avec une cordialité grandissime, commandée spécialement pour cette entrevue, chez un fournisseur d’archiducs.

Le visiteur exprima d’abord sa surprise d’avoir été favorisé par le Basile d’une recherche en collaboration, après un si motivé bannissement de sa copie par la presse entière. Il ajouta qu’il n’entendait rapporter l’initiative d’une démarche si honorable pour lui qu’à l’indépendance d’esprit du nouveau maître, assez haut pour rompre en visière avec des traditions funestes aux lettres…

— Votre prédécesseur, dit-il, ne gâtait pas les écrivains, quand il s’en trouvait. Il leur faisait amèrement déplorer de n’avoir pas été mis en apprentissage chez quelque diligent savetier, dès leur tendre enfance. On dit que vous avez le dessein de relever la muraille de la Chine et d’endiguer l’horrible mu-