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l’intendant de la quotidienne pâture des âmes, son choix s’était naturellement porté sur les panetiers et les mitrons littéraires les plus capables de contenter l’ignoble appétit d’une société que la République instruisait à chercher sa vie dans les ordures. La spéculation la plus profonde n’aurait pu mieux faire. Magnus était, par conséquent, devenu un très grand monarque, le monarque des portes ouvertes, offrant la vespasienne hospitalité du Basile à toute puante réclame, à toute caséeuse annonce, à tout lancement ammoniacal de promesses financières, à tout trafic rémunérateur.

L’insolente fortune qui choisit ordinairement de tels concubins, l’avait à ce point comblé que la bassesse même de son esprit et la surprenante adiposité de son âme écartèrent de lui les inimitiés personnelles ou les rivalités agressives, qu’une pincée de mérite n’aurait pas manqué d’attirer à un caudataire si scandaleusement parvenu. Il fut cet ami de toutes les canailles qu’on appelle un sceptique ou un « bon garçon » et, joyeusement attablé au foin de ses bottes, il descendit le fleuve de la vie dans la barque pavoisée de fleurs et lestée de lard, de l’universelle camaraderie.

Lorsqu’il s’avisa de réprouver Marchenoir dont il avait espéré monnayer les rares facultés de rhinocéros, — oubliant trop que ce pachyderme en liberté pouvait avoir la fantaisie de le piétiner, — il eut encore cette chance inouïe d’en être silencieusement méprisé. Quelle formidable caricature à la Pétrone, n’eût pas été, sous une telle plume, un portrait simplement exact de ce Trimalcion du journalisme ! Le satiriste, congédié presque honteusement du Ba-