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être, on ne sait au juste. Mais tout était fini, et il s’en allait. Tout à coup, n’ayant pas encore franchi le seuil du cimetière : — Il faudra, pourtant, que je lui fasse quelques vers à cette enfant ! dit-il d’une voix éolienne, aux plus proches des accompagnants… Le cabot sacrilège est tout entier dans cette parole.

En voici, maintenant, une autre, d’une atrocité plus surprenante, où se profile, de la tête aux pieds, le Juif réprouvé. Properce est dans la rue, par une nuit très froide, avec un homme qu’il appelle son ami. Une vieille grelottante est rencontrée, qui murmure des supplications en tendant la main. Il s’arrête sous un bec de gaz, — le nourrisson du divin Deutz ! — il exhibe un porte-monnaie gonflé d’or, et, sous l’œil ébloui de la misérable, il fouille cet or, il le pétrit, le retourne, le fait tinter, fulgurer, l’allume comme un tas de braise, puis, fourrant le tout dans sa poche et haussant les épaules d’un air d’impuissance navrée : — Ma bonne, exhale-t-il, j’en suis bien fâché, mais je croyais avoir de la monnaie, et je n’en ai pas. L’observateur de cette scène a raconté qu’il aperçut aux pieds du spectre, dans le bitume du trottoir, une petite ouverture lumineuse, par laquelle on aurait pu découvrir l’enfer…

Une obscure nuée d’images religieuses flotte perpétuellement autour de ce poète, qui sent profondément sa réprobation, mais qui se flatte, après tout, de séduire son juge et de carotter le Paradis, si ce séjour de délices existe véritablement. En attendant, il ne parvient pas à se défendre efficacement de certaines terreurs qu’il paraît s’être donné pour mission de faire mépriser aux autres. C’est la revanche des pauvres et des innocents massacrés qui sont, en ce