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premier ruisseau, sur une route d’Allemagne ; un peu plus tard, allaité par Deutz, le youtre fameux qui bazarda la duchesse de Berry, et grandissant à Bordeaux chez ce patriarche. Il se peut que tout le secret de sa destinée morale tienne dans la circonstance de ce conjectural baptême, donné par un inconnu, sur le rebord symboliquement vaseux d’un fossé de grand chemin. On assure que ses parents en conçurent une rage inouïe, dont ses dents grincent encore, et qu’il n’a jamais pu prendre son parti de ce sacrement d’occasion qui paraît agir sur lui comme un maléfice.

Aussi dénué de génie que pourrait l’être, par exemple, un expéditionnaire de l’Assistance publique, mais étonnamment rempli de toutes les facultés d’assimilation et d’imitation, il s’enleva, d’un bond, dans le cerveau déjà crevé du romantisme, avec une vigueur de reins qui lui valut, il y a vingt ans, l’adoption littéraire du vieil Hugo.

À partir de ce bienheureux instant, sa vie fut un rêve. Il devint le réservoir des bénédictions du Père. — Regardez mon fils Properce, disait celui-ci aux débutants avides, et allez en paix ! Properce, de son côté, puisait à pleines mains dans le tiroir aux rayons et saccageait le coffre-fort aux auréoles, les empilant par douzaines, sur sa propre tête, comme les couronnes d’un lauréat de collège vingt fois élu. Il est ainsi devenu glorieux par la poésie, par le roman, par le conte, par le théâtre et même par la politique profonde, ayant été sagement impétueux contre les communards, quand on fusillait, et les dépassant ensuite, quand on ne fusilla plus. Il est surtout devenu le lyrique du proxénétisme et de la