Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/281

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’on peut faire la guerre sans offenser ni blesser personne. Vous a-t-il dit aussi qu’il ne fallait jamais combattre ? Au moins, il serait ainsi dans la logique de ses couardes conciliations. On me l’a fait assez souvent, ce reproche de manquer de charité, parce que je rossais quelques chiens hargneux, — sous prétexte que ces animaux appartenaient à la meute humaine !…

Je veux croire que votre père spirituel est un excellent ecclésiastique pavé et briqueté des plus évangéliques intentions. Mais je doute que sa clairvoyance égale son zèle. Vous pourriez, ma brebis tondue, lui faire observer avec douceur que l’inculpation d’intolérance est une tactique chenue, renouvelée des Pharisiens, par les modernes ennemis de l’Église, contre tous ceux qui veulent s’y exposer pour défendre cette vieille mère. Vous avez été indignée de quelques-uns des nombreux articles lancés contre moi par la presse entière. Athées ou catholiques, libérâtres ou autoritaires, tous m’ont accusé de méchanceté, de haine et d’envie. Un instant unanimes sur ce seul point, les chroniques de toute provenance m’ont désigné comme un reptile d’anormale grandeur, dont la rampante férocité menaçait les villes et les campagnes. Ne sentez-vous pas combien cet accord universel déshonore les tristes chrétiens qui se transforment eux-mêmes en bêtes et fraternisent avec les fauves, dans une arène vilipendée, pour déchirer un de leurs témoins ?…

— Jusqu’au moment, dit Leverdier, où ce témoin devenu puissant, comme l’était Veuillot, les mêmes chrétiens, sans changer de peau, s’en viendront lui lécher les pieds et même autre chose…