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plus décevante contrefaçon d’imbécile qu’on ait jamais vue. Il avait gardé de son éducation de séminariste raté tout un stock de ce genre de facéties, insupportablement chantonnées en soprano mineur, avec l’accompagnement ordinaire d’une goguenarde révérence.

— Monsieur Lerat, répondit Leverdier qui se sentait sur le point de n’avoir plus une goutte de patience dans les veines, je suis très pressé et incapable, pour l’instant, de savourer vos délicieuses plaisanteries. Je vous prie de m’excuser et d’aller au diable, s’il vous plaît.

— Nous y sommes tous, au diable, repartit le fâcheux, puisqu’il est le Prince de ce monde, mais vous me recevez si mal que j’ai bonne envie de garder pour moi une communication intéressante dont je voulais vous charger pour votre ami Marchenoir.

À ce nom, Leverdier devint attentif. Certes, il n’attendait, en général, rien de bon de son interlocuteur, mais il le savait une citerne d’informations, souvent étonnantes, et se disait qu’une eau très pure peut sortir quelquefois des gargouilles les plus hideuses en temps d’orage.

— Vous avez, dit-il, quelque chose d’intéressant pour Marchenoir ?

L’autre, s’appuyant alors à deux mains sur la poignée de sa canne, aussi lamentable que lui, et s’infléchissant vers son auditeur, comme un vieil arbre congratulé, — sans quitter une seconde son sourire à claques sempiternel, — se mit à zézayer à la façon d’un enfant de chœur, qu’une circonstance calamiteuse aurait investi de quelque secret important pour la prospérité de la fabrique.