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mirablement passé, ce jour-là surtout. Il avait les meilleures raisons du monde pour écarter ce fâcheux, qu’il soupçonnait fort d’avoir soufflé d’immondes calomnies sur le compte de son ami, dans l’indigente main duquel il avait souvent pâturé la glandée d’un petit écu. Une fois même, il lui donna le placide conseil de profiter de son excellente vue de rongeur pour s’écarter soigneusement de tous les chemins de Marchenoir. — Il n’est pas trop patient, voyez-vous, mon cher monsieur Alcide, et il serait très capable de vous régaler de vos propres oreilles. Je vous avertis en frère. Pensez-y bien !

Dans la situation actuelle de son esprit, une telle rencontre, si soudaine, lui fit l’effet d’un présage des plus néfastes. Il fut un moment sur la pente de lui décerner une raclée complète dont le souvenir fût extrêmement durable. Mais c’eût été battre une vieille femme et, d’autre part, il craignit le ridicule de prendre la fuite.

Il ne tarda pas à reconnaître qu’en effet, la rencontre n’était pas absolument vaine et pouvait avoir d’assez graves conséquences.


L


— Oh ! comme vous avez l’air sérieux, ce matin, monsieur le comte de Pylade, est-ce que nous aurions des inquiétudes sur la chère santé de monseigneur le marquis d’Oreste ?

Tels furent les premiers mots d’Alcide Lerat, la