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le fretin s’adresse ailleurs. Je suis le vidangeur des consciences et j’enlève les fortes ordures, mais je me déclare inapte aux ouvrages d’embellissement et de parfumerie.

Discernant apôtre et moraliste plein de judiciaire, il pensait que le péché habituel de la chair est surtout une névrose d’enfantillage, à la vérité terrible et mortelle, mais intraitable, dans le plus grand nombre des cas, sans l’attractive bénignité d’une sorte de lactation prophylactique. L’énergie, parfois étonnante, impliquée par l’acte pur et simple de l’aveu pénitentiel, il la décrétait éminemment satisfactoire et, prenant gaillardement tout sur lui, réintégrait sur-le-champ les repentantes brebis, — sans exiger les préalables et décourageantes corvées que le Jansénisme inventa pour les mettre en fuite. Véronique fut donc accueillie par lui comme une fille prodigue, avec une joie sans bornes. Il tua pour elle le veau gras des absolutions…

Mais cette bombance ne pouvait durer. Quand il s’aperçut que sa nouvelle cliente était de propos solide et ne retournerait pas, comme les autres, à ses vomissures, il lui déclara son insuffisance pour la guider utilement sur n’importe quels sommets et l’engagea à chercher un directeur.

Ce fut l’aurore des tribulations. Personne ne comprenait rien à cette brûlée d’amour qui se diaphanéisait en montant dans la lumière. La plus tenace et la plus dure de ses épreuves fut l’inclairvoyante opiniâtreté d’un tas de prêtres, engraissés d’identiques formules, qui s’efforcèrent de la jeter dans le découragement par le conseil, uniformément comminatoire, de se séparer de Marchenoir. La simple créa-