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On serait forcé d’en faire pour eux, s’il n’y en avait pas, car il leur en faut pour toutes les circonstances de la vie, pour la joie et pour la tristesse, pour les fêtes et pour les deuils, pour la ville et pour la campagne, pour toutes les attitudes d’attendrissement que les poètes ont prévues. Il leur en faut absolument, pour qu’ils puissent répondre à la Pauvreté : Nous avons nos pauvres, et d’un geste lassé, se détourner de cette agenouillée lamentable, que le Sauveur des hommes a choisie pour son Épouse et dont l’escorte est de dix mille anges !

Il se peut que le Dieu terrible, Vomisseur des Tièdes, accomplisse, un jour, le miracle de donner quelque sapidité morale à cet écœurant troupeau qui fait penser, analogiquement, à l’effroyable mélange symbolique d’acidité et d’amertume que le génie tourmenteur des Juifs le força de boire dans son Agonie.

Mais il faudra, c’est fort à craindre, d’étranges flambées et l’assaisonnement de pas mal de sang pour rendre digérables, en ce jour, ces rebutants chrétiens de boucherie.

Il faudra du désespoir et des larmes, comme l’œil humain n’en versa jamais, et ce seront précisément ces mêmes impies tant méprisés par eux, du haut de leurs dégoûtantes vertus, — mais justement désignés pour leur châtiment, saintement élus pour leur confusion parfaite, — qui les forceront à les répandre !…

En attendant, le Christ est indubitablement traîné au dépotoir.

Cette Face sanglante de Crucifié qui avait dardé dix-neuf siècles, ils L’ont rebaignée dans une si