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les Perdrau, les Crampon, tout un fourmillement noir sur la rhétorique décomposée des siècles défunts. On peut en empiler cinquante mille de ces cerveaux, et faire l’addition. Le total ne fournira pas l’habillement complet d’une pauvre idée.

Du côté des laïques, on exhibe à l’admiration du bon fidèle un assortiment considérable de cuistres guindés comme des pendus et arides comme les montagnes de la lune, tels que Poujoulat, Montalembert, Ozanam, Falloux, Cochin, Nettement, Nicolas, Aubineau, Léon Gautier, historiens ou philosophes, hommes politiques ou simples conférenciers. C’est la voix lactée du firmament littéraire. Ces roussins de l’esthétique religieuse ont confisqué la pensée humaine et l’ont coffrée dans la geôle obscure des petites convenances et des solennelles rengaines du grand siècle. Nul n’est admis à subsister sans leur permission, et le plus grand art qui fut jamais, le Roman moderne, en qui s’est résorbée toute conception, est jugé comme rien du tout, quand ils apparaissent.

Mais le phénix d’entre ces volailles, c’est Henri Lasserre, le Benjamin du succès. Il devient inutile de regarder les autres, aussitôt que ce virtuose entre en scène, puisqu’il résume en sa personne, l’onction des pontifes, le pédantisme chenu des hauts critiques et la graisseuse faconde des hagiographes. Il ajoute à ces dons si rares le surcroît tout personnel d’une suffisance de gascon à décourager toutes les Garonnes. C’est un commis-voyageur dans la piété, un Gaudissart du miracle, qui place, mieux que pas un, ses petites guirlandes virginales en papier d’azur. Aussi, la plus incontinente fortune