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Tout à coup, il entendit monter au-dessous de lui et reconnut, avec certitude, le pas de Véronique. Épouvanté à l’idée d’un rapatriement sur cette voie publique, où vingt locataires inconnus pouvaient apparaître, il ouvrit brusquement la porte et se jeta dans l’appartement comme dans une citadelle. La jeune femme revenait, en effet, de la chapelle des Lazaristes de la rue de Sèvres, où elle allait, tous les matins, entendre la messe, à sept heures, quelque temps qu’il fît. Marchenoir, qui l’accompagnait pourtant, d’ordinaire, avait oublié cette circonstance.

Quand elle parut, cet homme si fort eut les jambes fauchées. Il s’abattit sur le carreau, et tendit vers elle ses deux mains, en remuant les lèvres, sans pouvoir articuler un mot. Véronique courut à lui, l’enveloppa de ses bras et, le relevant, le contraignit à s’asseoir. Elle-même, s’agenouillant, à ses pieds, — par une impulsion d’humilité et de tendresse qui rappelait leur première entrevue, — le regarda, accoudée sur lui.

— Chère victime, dit-il, avec la douceur d’une commisération infinie, qu’as-tu fait ?

— Pardonne-moi, bien-aimé, répondit-elle, j’ai voulu t’obéir et te sauver. Ah ! j’aurais souffert bien davantage, s’il l’avait fallu !… Pleure à ton aise, pauvre cœur, Dieu te consolera.

Alors, entendant cette voix changée par la torture, qui se faisait amoureuse par charité, il se détendit et se brisa. Il l’attira sur ses genoux et lui cachant le visage dans ses bras et sur sa poitrine, il sanglota éperdument. Ce fut une de ces rafales de pleurs, comme il en avait eu si souvent, et qui, déjà,