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pour un premier tête-à-tête. Il le quitta donc et, planté sur le trottoir, regarda la voiture s’éloigner, jusqu’au moment où elle disparut. Alors, seulement, il s’en alla, comblé de tristesse, l’âme noyée de pressentiments affreux.


XLIV


Quand Marchenoir sortit de la voiture arrêtée devant sa maison, on aurait pu le prendre pour un de ces agonisants à échéance calculable, que vomissent les voitures numérotées, à l’heure des consultations, sur le seuil dantesque des hôpitaux. Il tremblait tellement en cherchant sa monnaie, que le cocher lui offrit de l’aider à monter chez lui. Cela le ranima. Il se hâta d’entrer, ne vit même pas la concierge, que son aspect semblait avoir déconcertée, et gravit l’escalier.

Devant sa porte, il s’étonna de son courage d’être venu jusque-là et s’aperçut, en même temps, qu’il n’en avait plus du tout, qu’il ne se déciderait jamais à entrer et qu’il n’avait plus qu’à s’asseoir sur une marche, en attendant la consommation des siècles. Il se mit à tourner à pas étouffés, comme un félin, sur l’étroit palier, absolument incapable de s’arrêter à une résolution quelconque, les doigts brûlés par la clef qu’il avait tirée de sa poche, dans la voiture, et qu’il tenait à la main depuis un quart d’heure, déplorant amèrement l’absence de Leverdier, qu’il se maudissait pour avoir laissé partir.