purgatoire qui eût été le paradis de beaucoup d’hommes moins malheureux ?
Le repentir, la pénitence, la sainteté même, n’avaient-ils plus cette vertu tant célébrée de remettre à neuf les pécheurs ? Qu’y avait-il de commun entre la Véronique d’aujourd’hui et la Ventouse d’autrefois ? Ah ! il en avait connu des tas de vierges qui n’étaient pas dignes, certes, de lui décrotter sa chaussure ! Et, en supposant qu’il restât quelque chose à souffrir, ce quelque chose pouvait-il entrer en balance avec les tourments inouïs d’une passion sans issue, qui mangerait la cervelle de ce grand artiste, après lui avoir dévoré le cœur ? Enfin, il avait en amour des idées de sapeur-pompier, et pensait, en général, qu’il fallait éteindre les incendies tout d’abord, à quelque prix que ce fût, et puisque le concubinage révoltait ces deux dévots, il concluait, sans hésiter, au sacrement de mariage.
Leverdier refoulait en lui ces pensées, désormais inutiles à exprimer, n’étant pas de ces amis dont la principale affaire consiste à triompher dans leur propre sagesse, en jetant sur les épaules déjà rompues des naufragés, le trésor de plomb de leurs onéreuses récriminations. D’ailleurs, il s’était dit, plusieurs jours de suite, que, sans doute, cette fois, ce serait bien fini, la rage d’amour ! Marchenoir souffrirait, quelque temps, tout ce qu’on peut souffrir, puis cette passion s’éteindrait, faute d’aliment. Une mélancolie supportable s’installerait à sa place et l’esprit reprendrait son équilibre. Véronique, irréparablement enlaidie, deviendrait cette amie très douce, cette compagne bienfaisante des heures de lassitude