Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/183

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de la Majorité du genre humain. La Douleur franchit, d’un bond, l’abîme infini qui sépare l’accident de la substance, et devint nécessaire.

Alors, les promesses de joie et de triomphe dont l’Écriture est imbibée, inscrites dans la loi nouvelle sous le vocable abréviatif des Béatitudes, parcoururent les générations, en se ruant comme un tourbillon de glaives. Pour tout dire, en un mot, l’humanité se mit à souffrir dans l’espérance et c’est ce qu’on appelle l’Ère chrétienne !

Arriverons-nous bientôt à la fin de cet exode ? Le peuple de Dieu ne peut plus faire un pas et va, tout à l’heure, expirer dans le désert. Toutes les grandes âmes, chrétiennes ou non, implorent un dénouement. Ne sommes-nous pas à l’extrémité de tout, et le palpable désarroi des temps modernes n’est-il pas le prodrome de quelque immense perturbation surnaturelle qui nous délivrerait enfin ? Les archi-centenaires notions d’aristocratie et de souveraineté, qui furent les pilastres du monde, sablent, aujourd’hui, de leur poussière, les allées impures d’un quinze-vingts de Races royales en déliquescence, qui les contaminent de leurs émonctoires. À vau-l’eau le respect, la résignation, l’obéissance et le vieil honneur ! Tout est avachi, pollué, diffamé, mutilé, irréparablement destitué et fricassé, de ce qui faisait tabernacle sur l’intelligence. La surdité des riches et la faim du pauvre, voilà les seuls trésors qui n’aient pas été dilapidés !… Ah ! cette parole d’honneur de Dieu, cette sacrée promesse de « ne pas nous laisser orphelins » et de revenir, cet avènement de l’Esprit rénovateur dont nous n’avons reçu que les prémices, — je l’appelle de toutes les voix violentes qui sont en