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d’affirmer, une bonne fois, avant que tout s’écroulât et pour l’honneur de l’être pensant, l’irrépréhensible solidarité de tout ce qui s’est accompli, dans tous les temps et dans tous les lieux, à la honte des artisans de poussière qui pensent exterminer l’unité de l’homme en raclant de vieux ossements !

À ses yeux, le mot Hasard était un intolérable blasphème qu’il s’étonnait toujours, malgré l’expérience de son mépris, de rencontrer dans des bouches soi-disant chrétiennes. — Rien n’arrive sans Son ordre ou Sa permission, disait-il aux blasphémateurs ; il vous a créés, votre Hasard, et il s’est incarné pour vous racheter de son sang ! Est-ce bien là votre pensée ? Alors, moi, catholique, je lui crache à la figure, à ce rival de mon Christ, qui n’a pas même l’honneur d’exister, comme une idole, dans un simulacre où, du moins, s’attesterait l’industrie d’un entrepreneur de divinités.

Il était évident pour lui qu’on ne pouvait pas être catholique, ni même se flatter d’une infinitésimale pincée de sentiment religieux, si on ne donnait pas absolument tout à la Providence, et, dès lors, l’idée d’un plan infaillible sautait à l’esprit. À cette hauteur, peu lui importaient les chicanes philosophiques, ou même théologiques, qu’on pouvait lui décocher au sujet du Libre Arbitre, laissé sans ressources, par cette invasion d’absolu, dans le pâturage desséché du conditionnel.

— Quand la Providence prend tout, c’est pour se donner elle-même. Consultez l’Amour, si vous ne comprenez pas, et allez au diable ! Telle était toute la controverse de ce Stylite intellectuel qui ne descendit jamais de sa colonne.