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téméraires, mais, dans sa bouche, il avait une signification très haute et quasi sainte.

Retiré dans sa chambre de la Chartreuse, il raidissait ses deux bras contre sa propre douleur, ancienne ou récente, pour écarter l’importunité d’une sollicitude étrangère au travail de parturition de son esprit.

— Le Symbolisme de l’histoire ! pensait-il, vérité certaine, mille fois évidente à mes yeux, mais combien difficile à démontrer acceptable ! S’il s’agissait d’expliquer, pièce à pièce, le symbolisme du corps humain ou le symbolisme végétal, cette besogne, souvent entreprise déjà par des mystiques ou des philosophes, n’étonnerait pas trop encore. Il y aurait des chances pour faire rouler quelques idées sur ce rail connu, à condition, toutefois, qu’elles ne parussent pas trop originalement défrayées. Mais, ici, je vais me cogner, tout de suite, au front de taureau d’une Liberté ombrageuse, impénétrable, totalement incomprise de la multitude qui l’adore et mal définie des docteurs chrétiens qu’elle épouvante. Je suis en partance, comme Colomb, pour l’exploration de la Mer ténébreuse, avec la certitude de l’existence d’un monde à découvrir et la crainte de révolter, à moitié chemin, cinquante passions imbéciles. L’histoire fragmentaire, telle que je la vois partout, est un miroir pour l’orgueil stupide de cette liberté qui se félicite sans relâche d’avoir fait ce qu’elle a voulu, — jamais autre chose, — et la synthèse absolue, dont j’ai le dessein, confisque, du premier coup, cet objet de toilette, pour contraindre la vieille jouisseuse à se contempler dans le très humble ruisseau d’égout qui est sa patrie. Certes, je me passerais bien d’ap-