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les actes humains, de quelque nature qu’ils soient, concourent à la syntaxe infinie d’un livre insoupçonné et plein de mystères, qu’on pourrait nommer les Paralipomènes de l’Évangile. De ce point de vue — fort différent de celui de Bossuet, par exemple, qui pensait, au mépris de saint Paul, que tout est éclairci, — l’histoire universelle lui apparaissait comme un texte homogène, extrêmement lié, vertébré, ossaturé, dialectiqué, mais parfaitement enveloppé, et qu’il s’agissait de transcrire en une grammaire d’un possible accès.

Il en avait conçu l’espérance et ne vivait plus que pour ce projet, devenu le centre d’innervation de ses pensées. Peu lui importait qu’on le jugeât extravagant ou ridicule. Depuis longtemps, il avait pris son parti de ne jamais plaire et ne s’embarrassait guère de l’hostilité même, dont les effets immédiats ne peuvent jamais atteindre, après tout, bien facilement, un homme que sa plume, sa langue et ses muscles rendent également redoutable.

Ah ! sans doute, les ennemis assez nombreux qu’il s’était attirés déjà dans la presse, avaient la ressource ordinaire de lui fermer généreusement tous les débouchés et, par conséquent, de priver d’argent un écrivain pauvre que son talent aurait dû nourrir. C’était là le danger médiat et nullement méprisable. Mais, que faire ? Il se sentait traîner par les cheveux dans sa douloureuse voie et, ne le voulût-il pas, il lui fallait courir son destin. Proférer, s’il était possible, une grande parole, et mourir ensuite sous les soufflets et les crachats de l’univers ! — À la grâce de Dieu ! disait-il souvent. C’est le mot de beaucoup de