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les mains de qui Dieu a mis ses biens pour en faire un bon négoce. Il nous en donne la qualité et l’office quand il dit dans l’Évangile : Négociez en attendant que je sois de retour. Et il nous marque, d’une façon terrible, dans la parabole des talents, le profit qu’il veut que nous en retirions, le compte que nous lui en devons rendre et la punition qui doit servir de châtiment au serviteur, s’il ne trouve pas ses comptes en bon état. Si donc, ce marchand, pour dresser un compte où il ne s’agit que d’un bien périssable, se rend volontiers solitaire et ne fait point état des conversations, combien devons-nous estimer la solitude qui nous est beaucoup plus nécessaire pour tenir toujours prêts ceux de notre âme où il s’agit de notre salut éternel ?

Marchenoir, silencieux, écoutait cette paraphrase et s’imaginait entendre sous le tiers-point de ce vieux cloître, qui en aurait gardé l’écho, la voix centenaire, infiniment éloignée et presque éteinte d’un de ces humbles d’autrefois, couchés à deux pas de là, dans le cimetière !


XXXII


Précisément, le soir même, il fut averti que le lendemain, après la messe, on devait enterrer un frère mort de la veille, dont le panégyrique, imperceptiblement murmuré, avait glissé jusqu’à lui, comme un frisson, le long des murs de cette demeure imperturbable, où tout est silence, jusqu’à la joie de