Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pucins charnels qui s’amusent tant au fond de leurs capucinières ! Comment leur vie pourrait-elle être comparée à celle de ces religieux admirables, quoique démodés, qui conservent seuls, aujourd’hui, dans son intégrité, l’antique tradition des premiers siècles de la foi ? Et cette fastueuse Église romaine, avec toute sa pompe et ses incalculables richesses, et tous ces prélats si redoutables, et tous ces innombrables curés répandus dans les villes et dans les campagnes, si puissants, si respectés et si pervers ! — qui oserait les comparer à ces honnêtes cénobites qui ne mangent rien, qui ne disent rien et qui gênent si peu l’essor de la civilisation républicaine ?

Marchenoir voyait mieux qu’il ne l’avait jamais vu ce qu’il y a d’amèrement véritable dans ces bas sophismes de voyous dont il avait, depuis longtemps, renoncé à s’indigner. Il entendait, au loin, crouler l’Église, non pierre à pierre, mais par masses énormes de poussière, car il n’y avait même plus de pierres, et cette Chartreuse, elle aussi, ce dernier contrefort de la demeure du Christ, polluée par l’intrusion de la Curiosité, lui semblait vaciller sur la pointe de ses huit siècles.

Il fallut que le père Athanase, confident ému des vibrations de cette cymbale de douleur, l’entraînât, un après-midi, dans l’intérieur du monastère, — cet hôte extraordinaire ayant déclaré sa répugnance pour un pareil acte de tourisme.

— Soit ! avait répondu le père, se prêtant au délire de son malade, nous marcherons en récitant les psaumes de la pénitence, si vous voulez, et je vous assure, mon cher ami, que cela vous distinguera beaucoup de tous nos touristes.