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son christianisme se dressait en lui pour la défendre, cette misérable chair que nul mysticisme ne peut supprimer, qu’on ne peut troubler sans que l’esprit soit bouleversé et qu’aucun émiettement de la tombe n’empêchera de ressusciter à la fin des fins !

Il la voyait investie d’une mystérieuse dignité, précisément attestée par l’ambition de continence de ses plus ascétiques contempteurs. Évidemment, ce n’était pas des sentiments ou des pensées d’autrefois qu’il pouvait être jaloux. L’irresponsable Néant serait descendu de son trône vide pour déposer sur ce point, en faveur de cette accusée, devant le plus rigoureux tribunal. Elle ne s’était douté de son âme qu’en ressaisissant son corps. C’était donc uniquement la chair souillée de ce corps qui le faisait tant souffrir ! Un inexplicable lien de destinée contre lequel il se fût vainement raidi, le faisait époux de cette chair qui s’était débitée comme une denrée et, par conséquent, solidaire de la même balance, dans la parfaite ignominie des mêmes comptoirs…

En ce jour, Marchenoir assuma toutes les affres de la Jalousie conjugale, — impératrice des tourments humains, — que les êtres sans amour ont seuls le droit d’ignorer, et qui peut magnifier jusqu’à des passions ordurières, dans des cœurs capables de la ressentir !


XXIX


Le désespéré passait une partie de ses nuits à la chapelle, dans la tribune des étrangers. L’office de nuit des Chartreux, qu’il suivait avec intelligence,