Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.

goret venu aurait trouvé parfaitement soluble cette situation. Il aurait décidé de coucher ensemble, sans difficulté. Marchenoir ne voyait pas le moyen de s’en tirer à si peu de frais ou, plutôt, cette solution, détestée d’avance, lui paraissait le plus à craindre de tous les naufrages. — Impétueusement, il l’écartait…

Depuis quelques années, il avait placé si haut sa vie affective que cette idée, seule, le profanait. Il était fier de sa Véronique, autant que d’un beau livre qu’il eût écrit. Et c’en était un vraiment sublime, en effet, que sa foi religieuse lui garantissait impérissable. Elle n’avait pas un sentiment, une pensée ou même une parole, qu’elle ne tînt de lui. Seulement tout cela passé, tamisé, filtré à travers une âme si singulièrement candide, qu’il semblait que sa personne même fût une traduction angélique de ce sombre poème vivant qui s’appelait Marchenoir.

Cette ordure de fille, — ensemencée et récoltée dans l’ordure, — qui renouvelait, en pleine décrépitude du plus caduc de tous les siècles, les Thaïs et les Pélagie de l’adolescence du christianisme, — s’était transformée, d’un coup, par l’occasion miraculeuse du plus profane amour, en un lys aux pétales de diamants et au pistil d’or bruni des larmes les plus splendides qui eussent été répandues, depuis les siècles d’extase qu’elle recommençait. Madeleine, comme elle voulait qu’on l’appelât, mais Madeleine de la Sépulture, elle avait tellement volatilisé son amour pour Marchenoir que celui-ci n’existait presque plus pour elle à l’état d’individu organique. À force de ne voir en ce déshérité qu’un