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ceur infinie, un calme de bonne mort, insoupçonné jusqu’à cet instant. Il se baigna dans l’oubli de ses douleurs immortelles, hélas ! et qui devaient, un peu plus tard, le ressaisir. À mesure qu’il montait, sa paix grandissait en s’élargissant, tout son être se fondait et s’évaporait dans une suavité presque surhumaine.

Une page adorable de naïveté qu’il avait autrefois apprise par cœur, tant il la trouvait belle, lui revenait à la mémoire et chantait en lui, comme une harpe d’Éole de fils de la Vierge animée par les soupirs des séraphins.

Cette page, il l’avait trouvée dans une ancienne Vie de ce célèbre père de Condren, dont la doctrine était si sublime, paraît-il, que le cardinal de Bérulle écrivait à genoux tout ce qu’il lui entendait dire. Voici en quels termes cet étonnant personnage s’exprimait sur les Chartreux :

« Ce sont des hommes choisis de Dieu pour exprimer, le plus naïvement et exactement qu’il est possible à des créatures humaines, l’état de ceux que l’Écriture appelle les enfants de la Résurrection, et pour vivre dans un corps mortel, comme s’ils étaient de purs esprits immortels. Ils sont donc sans cesse élevés hors d’eux-mêmes dans une contemplation des choses divines ; il n’y a point de nuit pour eux, puisque c’est durant les ténèbres de la terre qu’ils font les saintes opérations des enfants de lumière. Ils sont tous honorés du saint caractère de la Prêtrise, comme saint Jean témoigne que tous les saints seront prêtres dans le ciel. Leurs habits sont de la couleur de ceux des Anges, lorsqu’ils apparaissent aux hommes ; leur modestie et leur innocence est un ta-