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mon affaire. Nous allons leur parler à ces lions, ne craignez rien… Naturellement, nous sommes en plein cirque romain… De ce côté-ci, la canaille, dans le lointain. On la verra si peu que ce n’est pas la peine d’en parler… Ici, vous, c’est-à-dire Philomène, avec le Bon Dieu qu’on ne voit pas, mais dont il faudra faire sentir la présence, si je ne suis pas une bourrique… Au fait, combien nous faut-il de lions ? Si j’en mettais quarante ? Une académie de lions !… Non, décidément, ce serait trop spirituel. Contentons-nous de quatre. Ça fera penser aux vertus cardinales justice, prudence, tempérance et force. Entre parenthèse, je vous conseillerais de vous adresser particulièrement à la dernière, quand vous leur ferez votre petit discours. Je me défierais des autres… À propos de discours, il y a bien toujours l’inconvénient de faire parler une figure peinte, avec cette diablesse de bouche ouverte pour le silence éternel, — ce qui fera le désespoir des nobles cœurs jusqu’à la consommation des siècles. Tant pis ! je vous fermerai la bouche. On supposera naturellement que la conversation est finie et, d’ailleurs, les lions n’exigent pas qu’on leur parle comme à des hommes. C’est surtout avec leurs yeux qu’ils écoutent, ce dont la brute humaine est presque toujours incapable. Nous en savons quelque chose… Bien… Nous les voulons énormes, n’est-ce pas ? Les lions de Daniel, par Victor Hugo… Non ? Vous ne connaissez pas ? Des lions qui causent entre eux, mon enfant. Il y en a même un qui parle comme un âne. N’importe ! ils ont de l’allure. Tenez ! voyez-vous celui-là. Il a l’air assez bon garçon. Si vous lui