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suivant la recommandation plusieurs fois répétée de Léopold qui lui a dit n’être pas sûr de pouvoir rentrer avant minuit.

Jamais elle n’a tant désiré qu’il fût là. Cependant elle n’est pas anxieuse. Elle est même bien loin d’être triste. Mais elle a comme un pressentiment que l’heure qui vient de sonner est une heure formidable.

Comprenant qu’elle ne pourrait pas dormir, elle se replonge dans la prière.

D’abord elle appelle, avec de grands cris intérieurs, la protection divine et la protection de tous les Saints sur son absent. Tout ce qu’il y a en elle de sentiments et de pensées, toutes les choses précieuses de son palais saccagé, toutes les gemmes, tous les émaux, toutes les mosaïques, toutes les saintes images, toutes les armures conquises, et jusqu’au voile de ses anciens repentirs, — plus inestimable sans doute que le célèbre Rideau du sanctuaire de Sainte-Sophie dont le tissu d’or et d’argent était évalué à dix mille mines, — tout cela est précipité dans le gouffre d’une obsécration infinie.

Puis, changement soudain. Elle reçoit, dans un éclair, la certitude qu’elle est exaucée admirablement. Ruisselante de larmes, son action de grâces remonte des profondeurs.

— « Je n’ai demandé qu’une chose, murmure-t-elle, c’est d’habiter la Maison de Dieu, tous les jours de ma vie, et de voir la Volupté du Seigneur ! »

Ignore-t-elle que ces paroles sont d’un psaume des morts ? ou plutôt devine-t-elle qu’il est nécessaire que ce