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comme les Martyrs accueillaient leurs tourmenteurs, et son calme puissant leur ôte le pouvoir de la déchirer.

Elle se serre amoureusement, se met tout contre le ciel, et se regarde elle-même de loin, à la manière de ceux qui sont en train de mourir.

— Qu’ai-je fait pour vous, mon Dieu ? C’est à peine si je vous ai supporté jusqu’à ce jour. Je savais pourtant que vous êtes paternel, surtout quand vous flagellez, et qu’il est plus important de vous remercier de vos punitions que de vos largesses. Je savais aussi que vous avez dit que celui qui ne renonce pas à tout ce qu’il a ne peut être votre disciple. Le peu que je savais était assez pour me perdre en vous, si je l’avais bien voulu… Souverain Jésus ! Éternel Christ ! Sauveur infiniment adorable ! faites de moi une sainte. Faites de nous des saints. Ne permettez pas que ceux qui vous aiment s’égarent… Les routes sont graves, et les chemins pleurent parce qu’ils ne mènent pas où ils devraient mener !…

Neuf heures sonnent à l’horloge de l’église. Clotilde compte machinalement et le dernier coup lui semble frappé sur son cœur. Silence complet dans le voisinage : La nuit est devenue tout à fait noire et il tombe une odorante pluie tiède.

— Neuf heures dit-elle à voix basse, dans un grand frisson. Pourquoi suis-je troublée ? Que se passe-t-il donc en cet instant ?

Elle fait un grand signe de croix qui la rassure, allume une lampe, ferme soigneusement les portes et les fenêtres,