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et que l’unique moyen de le récupérer, c’est de mourir. Il avait là-dessus un poème qui n’a pu être retrouvé dans ses papiers et qui n’a jamais été publié. Il me l’a lu deux ou trois fois, mais, n’ayant alors qu’à moitié compris, je n’en ai gardé qu’un souvenir incomplet. Cependant, voici le début qui s’est fixé dans ma mémoire, avec une netteté singulière. Il s’agit d’un pèlerin, comme il y en eut quelques-uns au Moyen âge, qui cherche par toute la terre « le Jardin de Volupté ». Écoute :


« On n’avait jamais vu et on ne reverra jamais un Pèlerin aussi formidable.

« Depuis son enfance, il cherchait le Paradis terrestre, l’Éden perdu, ce Jardin de Volupté, — par qui la Femme est symbolisée si profondément, — où le Seigneur Dieu colloqua Son Type, quand Il l’eut formé de la boue.

« Ce Pèlerin avait été rencontré, sur toutes les routes connues et sur toutes les routes inconnues, par les hommes ou par les serpents, qui s’étaient écartés de lui, car les psaumes lui sortaient par tous les pores et il était fait comme un prodige.

« Toute sa personne ressemblait à un vieux cantique d’impatience et avait dû être conçue, naguère, en d’irrévélables soupirs.

« Le soleil le mécontentait. Intérieurement ébloui de son espoir, les cataractes lumineuses du Cancer ou du Capricorne lui paraissaient venir d’une triste lampe en agonie oubliée dans des catacombes pleines de captifs.