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les hommes de bonne volonté la paix in terra, « sur terre ou en terre ». Tu m’as enseigné toi-même ce double sens. Regarde ces tombes chrétiennes. Sur presque toutes, il y a ces mots : Requiescat in pace. Ne penses-tu pas que c’est ainsi que nous pouvons entendre la Parole sainte ? Le repos, mon bien-aimé, le Repos, n’est-ce pas le nom de la Vie divine ?

Que sont les gestes des hommes en comparaison de cette vie puissante que l’Esprit-Saint tient en réserve sous la terre parmi les diamants et la vermine, pour le moment inconnu où seront réveillées toutes les poussières ?

— Ce moment, répond Léopold, est l’espoir unique. Job l’appelait, il y a quarante-six siècles, les Martyrs l’ont appelé, dans leurs tourments et la mort est douce à ceux qui l’attendent.

Tous deux vont, çà et là, au milieu des tombes. Beaucoup sont incultes, abandonnées tout à fait, arides comme la cendre. Ce sont celles des très pauvres qui n’ont pas laissé un ami chez les vivants et dont nul ne se souvient. On les a fourrés là, un certain jour, parce qu’il fallait les mettre quelque part. Un fils ou un frère, quelquefois un aïeul a fait la dépense d’une croix, puis les trois ou quatre convoyeurs ont été boire et se sont quittés sur de pochardes sentences. Et tout a été fini. Le trou comblé, le fossoyeur a planté la croix à coups de pioche et a été boire à son tour. Aucun entourage n’a jamais été ni ne sera jamais posé par personne pour marquer la place où dort ce pauvre qui est peut-être à la droite de Jésus-Christ… Sous le