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cimetières suburbains, a du moins consenti à planter le long des avenues un assez grand nombre d’arbres. Au commencement, cette plaine géométrique et sans verdure désespérait. Maintenant que les arbres, plus vigoureux ont pu plonger leurs racines dans le cœur des morts, il tombe d’eux, avec leur ombre mélancolique, une douceur grave.

Combien de fois par semaine, dès l’ouverture des portes, Léopold ne vient-il pas, allant de l’une à l’autre des deux sépultures, arrachant les herbes sauvages, les cailloux, redressant ou guidant les jeunes tiges dont il écarte les insectes, joyeux de trouver une rose nouvelle, une capucine, un volubilis fraîchement éclos, les arrosant d’une main très lente, et oubliant l’univers, s’attardant des heures, surtout auprès de la petite tombe blanche de son enfant auquel il parle avec tendresse, auquel il chante à demi-voix le Magnificat ou l’Ave maris stella, comme autrefois, quand il le berçait sur ses genoux pour l’endormir ! Et c’est une chose qui remue l’âme des passants de voir ce chanteur à la face tragique et pleine de pleurs, prosterné sur ce berceau. Clotilde vient le rejoindre et le trouve dans cette posture.

— Oh ! mon ami, lui dit-elle, que nous sommes heureux d’être des chrétiens ! de savoir que la mort existe si peu, qu’elle est, en réalité, une chose qu’on prend pour une autre, et que la vie de ce grand monde est une si parfaite illusion

À la naissance de Jésus, les Anges ont annoncé à tous