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passage terrible de la mort ne sera pas rendu facile à ce pauvre homme par cette immolation préalable de ce qui était le principe de sa vie terrestre ? Mais les menteurs se trompent eux-mêmes. Je ne serais pas étonnée que M. Folantin crût avoir fait une action louable…

Hercule Joly, présent et silencieux jusque-là, intervint alors.

— Monsieur Druide, je suis parfaitement étranger au monde des artistes et j’ignore tout de leurs passions ou de leurs mœurs. Voulez-vous me permettre une question ? Quel a pu être le mobile de ce monsieur Folantin, et quel a pu être son intérêt à désoler ainsi l’agonie de M. de L’Isle-de-France ? Il est inconcevable qu’il ait voulu jouer gratuitement le rôle d’un de ces démons dont c’est l’emploi de désespérer les mourants.

Brusquement, Léopold se leva.

— C’est moi, dit-il, qui vais vous répondre, à la Marchenoir, si je le peux. Vous êtes un chrétien, monsieur Joly et, je le crois, un homme de prière. Je n’ai donc pas à vous apprendre la définition sublime du catéchisme : « L’Envie est une tristesse du bien d’autrui et une joie du mal qui lui arrive ». Nos psychologues peuvent déposer leurs analyses le long de ce mur, ils n’entameront pas le granit et le bronze d’une pareille démarcation.

Il y a quelques années, je me présentai un jour chez Folantin, qui n’était pas encore le personnage radieux qu’il est devenu. À mon arrivée, il achevait la lecture d’un journal qu’il jeta sur la table, comme s’il se débarrassait