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Résolument, Clotilde alla trouver la propriétaire. L’habitation de cette châtelaine s’adossait à leur pavillon, et il suffisait d’ouvrir une claire-voie pour être chez elle. Personne, par conséquent, n’était mieux placé pour tout entendre et pour tout voir.

Les Léopold la connaissaient à peine de vue, n’ayant eu avec elle que le protocole indispensable du contrat de location. Ils avaient d’elle, tout au plus, l’impression d’un sarment de vigne vierge, irréparablement desséché.

Mademoiselle Planude était une pucelle confite qui portait avec une facilité singulière ses soixante-cinq ans de vertu. Pétulante comme un jeune dindon et pointue comme un ergot, elle avait une voix de gendarme et précipitait ses paroles avec la rapidité d’un expéditeur de fruits aigres menacé de rater le train. Un peu naine, un peu bossue, on ne voyait qu’elle à l’église, où elle avait l’air de s’engouffrer pour échapper à quelque monstre furieux et d’où elle s’élançait, d’heure en heure, pour accélérer une mercenaire qu’elle idiotifiait. Elle était de toutes les confréries, ou archiconfréries, trempait dans toutes les œuvres, participait à toutes les propagandes, fourrait des petits papiers dans toutes les mains. Mais on ne se souvenait pas de lui avoir vu lâcher un centime.

Son avarice éblouissait Parc-la-Vallière. On citait avec admiration la fermeté d’âme de cette vierge sage qui ne donnait certes pas l’huile de sa lampe aux détraquées et qui s’éclairait toute seule, en attendant le Fiancé.

Volontiers, on rappelait la haute et touchante histoire