Page:Bloy - La femme pauvre.djvu/342

Cette page a été validée par deux contributeurs.

elle raconta aussitôt, avec une horreur infinie, l’épouvantable conversation.

Léopold alla se plaindre au commissaire de police qui fit comparaître les deux femelles et lui tint ensuite ce langage :

— Monsieur, je suis forcé de vous avouer mon impuissance. Vous avez affaire à des bougresses parfaitement dessalées qui s’efforceront de vous nuire par tous les moyens imaginables, sans se mettre en contravention. Je les connais très bien. J’ai leurs dossiers ici et je vous prie de croire que ce n’est rien de propre. Si on pouvait les pincer une bonne fois, elles écoperaient ferme, c’est fort probable. Mais il faudrait pouvoir les convaincre de quelque délit prévu. Tâchez donc d’avoir des témoins et d’amener vos deux mégères à un esclandre bien caractérisé. Alors, nous pourrons marcher. Sinon, je ne vois rien à entreprendre et les chiennes se sont peu gênées pour me le faire sentir avec une insolence rare. C’est tout juste si j’ai pu prendre sur moi de ne pas les jeter dehors par le moyen des rudes poignes qui sont ici. Ah ! mon cher Monsieur, vous n’êtes pas le seul à vous plaindre. Notre fonction devient, de jour en jour, plus impossible. Nous sommes loin du temps où le magistrat de police pouvait remédier, dans une certaine mesure, aux lacunes de la loi qui n’apprécie pas les crimes d’ordre moral. Les journaux surveillent toutes nos démarches, avec l’équité que vous savez, et la mise à pied nous est acquise aussitôt que nous avons l’air d’outrepasser le moins du monde nos