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cabanon. Pétarade scandaleuse qui faisait mugir tous les échos et qui poursuivait Clotilde jusque dans les boutiques lointaines où elle allait s’approvisionner, — comme le ranz des vaches d’un vallon goîtreux colonisé par des assassins.

À son retour, attentivement épié, l’engueulade et la rigolade repartaient plus férocement encore, et c’était une question digestive, pour les ventres du voisinage, de savoir combien de temps une créature sans défense pourrait tenir contre ces bourrasques d’immondices.

Quelquefois, un voyou de confiance venait tirer la sonnette et prenait la fuite. Quel délice, alors, d’assister au désappointement de la mystifiée qu’on dérangeait, autant que possible, par les temps de pluie, et qui rémunérait d’une expression douloureuse de son doux visage cette espièglerie de tapir femelle !

Léopold ignora d’abord la persécution. Sa femme gardait tout pour elle, jugeant qu’il avait assez à souffrir déjà et craignant quelque déchaînement de fureur, quelque dangereuse tentative de représailles qui rendrait tout à fait impossible la situation. Mais il devina en partie et bientôt, d’ailleurs, l’hostilité devint si aiguë qu’il fallut parler. Deux chiennes aboyaient maintenant.

La moitié de la maison des Poulot était occupée par une squalide et ribotante vieillarde que menaçait la paralysie générale et qui régalait, dans sa tour de Nesle, des mitrons cupides ou des jardiniers libidineux.

C’était une veuve assez à l’aise, croyait-on, pour se passer ainsi par le bec les morceaux à sa convenance, et qui