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XI



Ils l’habillèrent de leurs mains pour le Berceau définitif que le Verbe de Dieu balance avec douceur parmi les constellations. Puis ils s’assirent en face l’un de l’autre, attendant le jour. Deux ou trois heures, ils subirent cet évanouissement secourable de la pensée et du sentiment qui est le premier état d’une douleur immense.

Un seul mot fut proféré, le mot Bénédiction tombé des lèvres de la mère et que Léopold comprit très bien. « Ceux-là sont ceux qui n’ont pas souillé leurs vêtements… Ils suivent l’Agneau sans tache partout où il va », dit la Liturgie. Les chrétiens ont ce réconfort de savoir qu’il y a surtout des petits dans le Royaume et que la voix des Innocents qui sont morts « fait sonner la terre »… Ils auraient beau souffrir désormais, chercher leurs âmes à tâtons dans les pires chemins qui soient sous le ciel, tout de même ils étaient sûrs que quelque chose d’eux resplendissait bienheureusement au delà des mondes.

Le jour parut, un jour blême qui avait, lui aussi, le regard d’un mort et il leur montra leur solitude. Personne, jusqu’à cet instant, n’était venu les voir dans leur nouveau gîte, et les rares amis demeurés fidèles étaient loin et dispersés.

Le souci le plus aigu dont puisse être poignardé un père mit Léopold sur ses pieds.

— Comment ferai-je pour enterrer mon enfant ?

Une pièce de cent sous eût été introuvable dans la