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promptement suivies, de quelle rafale d’horreur ! ne permirent pas à Clotilde d’abord, et à son mari ensuite, de douter qu’ils ne fussent tombés, pour la trempe surnaturelle de leur courage, dans un de ces lieux maudits, que ne désigne comme tel aucun cadastre fiscal, où l’Ennemi des hommes prend son délice et se met à califourchon.

Le petit Lazare, paraissant indisposé depuis le désarroi funèbre de l’emménagement, sa mère dormait seule, près de lui, dans une chambre du rez-de-chaussée qu’on avait trouvée un peu moins sinistre que les autres. Léopold, fermait avec soin toutes les issues et gagnait une cellule fétide à l’étage supérieur.

Dès la seconde nuit, Clotilde fut arrachée au sommeil par des coups d’une violence extrême frappés à la porte extérieure, comme si quelque malfaiteur essayait de l’enfoncer. L’enfant dormait et le père, dont elle crut entendre de loin la respiration égale et sonore, ne semblait pas avoir été troublé. Le vacarme avait donc été pour elle seule. Glacée de terreur et n’osant bouger, elle invoqua les âmes pieuses des morts qu’on dit puissantes pour écarter les sombres esprits. Le lendemain, elle n’en parla pas, mais il lui resta, de cette première visitation de l’Épouvante, une anxiété lourde, une transe de catacombes dont elle eut le cœur crispé.

D’analogues avertissements lui furent donnés les nuits suivantes. Elle entendit une voix panique hurlant à la mort. Des heurts mystérieux d’impatience et de colère firent sonner les cloisons et jusqu’au bois de son lit. Affolée,