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Léopold, avaient même agrémenté la chroniquaille de certains journaux que ne lisait pas le solitaire, — fort heureusement pour les turlupins qui tremblaient dans leurs culottes, bien qu’ils se dissimulassent avec attention sous des coquillages d’emprunt.

Le ménage connut les expédients qui font frémir et qui font pleurer, la vente successive des objets aimés dont on croyait ne pouvoir jamais se séparer, le changement de certaines habitudes qui semblent adhérer au principe même de la puissance affective, la suppression graduelle et si douloureuse de toutes les barrières de la vie intime et cachée que ne réalisent jamais les pauvres. Surtout il fallut déménager. Oh ! ceci fut le plus dur.

Leur jolie ruche paisible et claire, aux environs du Luxembourg, était pour Léopold et Clotilde le lieu unique, l’endroit privilégié, la seule adresse qu’ils eussent donnée au bonheur. Ils l’avaient meublée de leurs émotions d’amour, de leurs espérances, de leurs rêves, de leurs prières. Même les souvenirs lugubres n’en avaient pas été écartés. Atténuées fil à fil par une bénédiction venue si tard, les tristesses d’autrefois s’y entrelaçaient avec les joies neuves, comme des figures de songe qu’une tapisserie aux couleurs éteintes aurait fait flotter sur les murs.

Puis, leur enfant était né là. Il y avait vécu onze mois, pendant lesquels avait recommencé la tribulation, et son image de merci était pour eux dans tous les coins.

Au moment d’abandonner cette retraite, les malheureux se crurent exilés de la paix divine. Arrachement d’autant