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qui font si tiède votre alcôve. Un bloc de houille est tombé sur lui, et voilà que son âme est devant Dieu ! Sa pauvre âme aveugle !… Le moment serait mal choisi, j’en conviens, pour réciter un De profundis.

« J’aurais, sans doute, peu de chances d’être écouté, si je vous parlais du monde invisible, du vaste monde silencieux et impalpable qui est sans caresses et sans baisers.

« Celui-là intéresse, peut-être, quelques chartreux en prière ou quelques agonisants, mais il est au moins superflu de le rappeler à deux chrétiens dont la digestion est heureuse et qui se pétrissent avec ardeur.

« Miseremini meî ! miseremini meî ! saltem vos, amici mei !… Ah ! ils peuvent crier, les Défunts qui souffrent, les Trépassés pour qui nul ne prie. Leur clameur immense qui secoue les Tabernacles du ciel vibre moins dans notre atmosphère que les pennules d’un moucheron ou la quenouille d’une araignée filandière…

— « Encore une étreinte ! mon bien-aimé ! s’il te reste quelque vigueur. » Ô la belle heure ! la belle nuit des noces ! et comme elle fait penser à ces Épousailles de la fin des fins, lorsqu’après le congédiement des mondes et des jours, l’Agneau de Dieu, vêtu de sa Pourpre, viendra au-devant de l’Épouse inimaginable !…

« Je sais bien, vous allez me dire que la vie serait impossible si on pensait continuellement à toutes ces choses, et qu’il n’y aurait plus une minute pour le bonheur. Je ne dis pas non. Cela dépend de ce que vous appelez Bonheur.

« Le Sacrement, je ne l’ignore pas, vous concède la