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— Monsieur, cria-t-il, dès qu’il m’aperçut, j’ai l’honneur de vous dire que vous êtes un parfait drôle.

À cette époque j’avais déjà une fort belle crête et cette injure me parut impossible à supporter. Je répliquai donc sur-le-champ :

— Est-ce pour m’adresser des compliments de ce genre que vous m’avez fait venir, mon père ?

Je crus qu’il allait me sauter à la gorge. Mais il se ravisa.

— Je devrais vous gifler à tour de bras pour cette insolence, dit-il. Je réglerai ce compte une autre fois. Pour le moment, nous avons à causer. Vous avez déclaré hier à une personne respectable qui a cru devoir m’avertir, votre intention d’épouser à bref délai, avec ou sans mon consentement, cela va sans dire, une certaine jeune fille. Est-ce vrai ?

— Parfaitement exact.

— Charmant ! Vous auriez eu le toupet d’affirmer aussi que cette jeune fille partage vos sentiments très purs ?

— Je ne sais jusqu’à quel point mes sentiments peuvent être qualifiés de purs, mais je crois être certain, en effet, qu’on ne les dédaigne pas.

— Ah ! ah ! vous en êtes certain. J’ai été pourtant aussi bête que ça, quand j’avais votre âge. Eh bien ! mon garçon, j’ai le regret de vous l’apprendre, ce morceau n’est pas pour votre bec… Voici une lettre que vous porterez vous-même, s’il vous plaît, à un de mes vieux camarades qui habite Constantinople. Je le prie de compléter votre