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inouïes la plus malpropre des victoires, cette multitude fraîchement vaincue se persuada, en vérité, qu’elle accomplissait quelque chose de grand, et les rares protestations furent si aphones, si indistinctes, si submergées par le déluge, qu’il n’y eut, sans doute, que le grand Archange penché sur son glaive, Protecteur, quand même, de la parricide Enfant des Rois, qui les pût entendre !

Clotilde regardait ces choses, comme une bête mourante regardait un halo autour de la lune. Dans l’espèce de torpeur que lui procurait l’exténuation de son corps et de son âme, elle se prit à rêver d’une allégresse religieuse qui se serait tout à coup précipitée en torrents sur la Ville immense. Ces pavois, ces fleurs, ces feuillages, ces arcs de triomphe, ces cataractes de feu qui s’allumeraient au crépuscule, tout cela, c’était pour Marie !!!

Sans doute, à ce moment de l’année ecclésiastique, il n’y avait aucune solennité liturgique de premier ordre. N’importe, la France entière, ce matin, s’était réveillée toute sainte et, pour la première fois, se souvenant que, jadis, elle avait été donnée authentiquement, royalement, à la Souveraine des Cieux par quelqu’un qui en avait le pouvoir, il avait fallu qu’à l’instant même elle fît éclater et rugir son alléluia de deux cents ans !

Alors, éperdue, n’ayant sous la main que les simulacres de la Révolte, les simulacres de la Bêtise et les simulacres de l’Idolâtrie, elle les avait jetés aux pieds de la Vierge Conculcatrice, comme l’Antiquité chrétienne renversait aux pieds de Jésus les autels des Dieux.