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votre âme était triste jusqu’à la mort, et que vous avez eu peur jusqu’à suer le sang. Vous ne pouviez pas descendre plus bas. Il fallait que les lâches eux-mêmes fussent rachetés et vous vous êtes laissé tomber jusque-là. Ô Fils de Dieu, qui avez eu peur dans les ténèbres, je vous supplie de me pardonner ! Je ne suis pas une rebelle. Vous m’avez pris mon enfant, mon doux petit garçon aux yeux bleus, et je vous ai offert ma désolation, et j’ai dit, comme au sacrifice de la messe, que cela était juste et raisonnable, équitable et salutaire… Vous savez que je n’ai point d’estime pour moi-même, que je me regarde vraiment comme une petite chose faible et triste. Guérissez-moi, fortifiez-moi, éloignez de moi, si c’est votre volonté, le calice de cette amertume… Cette eau, mon Sauveur, cette eau vive que vous promîtes à la Samaritaine prostituée, donnez-la-moi, pour que je sois du nombre de ceux qui vivront toujours, pour que je la boive, pour que je m’y baigne, pour que je m’y lave, pour que je sois un peu moins indigne du noble époux que vous m’avez choisi et que ma tristesse décourage !…

Léopold vient d’entrer et Clotilde s’est précipitée dans ses bras.

— Mon cher ami ! mon bien-aimé ! ne t’afflige pas de me voir pleurer. Ce sont des larmes de tendresse. J’ai tant de chagrin d’être pour toi une mauvaise femme ! Je demandais à Dieu de me rendre meilleure… Comme tu es pâle ! mon Léopold, comme tu parais abattu !