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bien bon cœur. Viens dans nos bras, viens fermer les yeux à la sainte créature qui a tout sacrifié pour toi. Accours, mon enfant, mais n’oublie pas d’apporter un peu d’argent pour m’ensevelir, car nous n’avons plus rien. Ta pauvre mère qui aura bientôt cessé de souffrir. Rosalie. »

C’est un mensonge ! dit Clotilde, en posant la lettre qui était, d’ailleurs, puante et sordide, quoique burinée d’une main très ferme et même orthographiée avec luxe. Toute une enfance de larmes et toute une jeunesse d’enfer étaient dans ce mot.

Elle décida, néanmoins, d’aller à Grenelle. Mais elle ne pouvait se dispenser d’en avertir Gacougnol et courut d’abord à l’atelier.

— Bon Dieu ! ma chère petite, cria le peintre en l’apercevant, comme vous voilà déterrée ! Seriez-vous malade ?

Elle lui raconta sa mauvaise nuit et l’incendie de ses rideaux, sans parler, toutefois, du cauchemar ; puis, spontanément, lui donna à lire la lettre de sa mère.

— Mais, ma pauvre Clotilde, on vous tend un piège. Votre mère n’est pas plus mourante que moi, la digne femme. On suppose avec noblesse que je vous comble de trésors et on meurt surtout du désir de les extraire de votre porte-monnaie… Je comprends très bien, cependant, que vous teniez à éclaircir ce point. Écoutez. Je m’intéresse infiniment plus à votre situation qu’aux sottes besognes que je fais ici. Vous ne savez pas ? Nous allons partir ensemble. Je vous déposerai à l’église la plus proche du « chérubin » et j’irai seul prendre des nouvelles de la